Récit d'Yvonne

Photos de Claude
Mise en blogue de Jean

Le tango. Une passion. Un désir. Aller à Buenos Aires. Là où tout a commencé. Dix jours dans la capitale? L’ami Hugo, un habitué de l’Argentine, nous convainc qu’il faut penser plus grand. Comme il nous apparaît illusoire de penser y retourner un jour, nous traçons un ambitieux itinéraire pour voir en trois semaines ce pays démesuré. C’est à une agence de Buenos Aires, Terra Pampa, que nous soumettons nos désirs boulimiques. La date est fixée, les arrhes versées. Un doute s’installe cependant. Quelle crédibilité devons-nous accorder à cette agence que nous ne connaissons pas? Nous ne serons pas protégés par notre Loi sur la protection du consommateur?... Deux mois et dix-huit heures de vol plus tard, nous sommes rassurés. Dès notre descente à Buenos Aires une représentante de l’agence nous accueille, nous prend en charge, nous accompagne jusqu’à l’hôtel, nous remet tous les papiers dont nous aurons besoin durant notre séjour en Argentine. Ouf!

 

28 février 

 Une bonne nuit de sommeil et nous voilà frais et dispos pour visiter Buenos Aires avec Eugenia (guide qui parle français) et un chauffeur privé. La visite débute par la Plaza de Mayo devant la maison du Gouvernement (la Casa Rosada) au balcon de laquelle Evita Peron a maintes fois soulevé la foule admirative. En face, voici la cathédrale métropolitaine où repose San Martin, le libérateur de l’Argentine. Devant certains édifices classiques avec leurs façades de pierre sculptées, leurs portes et balcons en fer forgé, on se croirait à Paris. Par ailleurs d’autres bâtiments de style renaissance ou baroque nous font penser à Rome ou à Madrid. Les portenos (c’est ainsi qu’on appelle les gens de Buenos Aires) originaires de différents pays d’Europe ont importé ici beaucoup de leurs pays. Il pleut. Eugénia nous propose de poursuivre en voiture en empruntant l’avenue la plus large du monde (9 de Julio). Nous passons devant l’Obélisque, admirons le célèbre Théâtre Colon, parcourons Palermo, le chic quartier des ambassades. Le soleil revient. Cela nous permet de flâner à pied dans La Boca, le quartier, le plus coloré de la ville, situé tout près du port. C’est là que les immigrants, il y a cent ans exprimaient leur nostalgie par des chants et créaient… une danse appelée TANGO. Des couples dansent dans la rue. Nous sommes là où tout a commencé…! De retour vers notre hôtel, nous passons chez Flabella choisir les souliers de tango désirés depuis plusieurs milongas. La propriétaire, une femme très chaleureuse, termine la transaction en dansant quelques pas de tango avec Claude au grand étonnement de certains clients. Je ne saurai jamais qui a séduit l’autre, mais c’était charmant! Le soir nous allons à notre premier dîner-spectacle au théâtre Gardel. Régal pour le palais, les yeux, les oreilles et notre couple!

29 février

Visite du cimetière de la Recoleta. Une amie m’a dit que le Père Lachaise n’était rien à côté de la Recoleta… En effet, il est unique. C’est une sorte de Cité des morts toute de marbre où s’enlignent dans des avenues en étoile les caveaux funéraires des grandes familles de Buenos Aires. Chacune y a érigé un monument à la gloire des leurs. La beauté et la diversité des sculptures rivalisent en splendeur. Il en est de style romantique, d’autres de style classique ou art nouveau. Un véritable musée à ciel ouvert. Il fait bon y flâner, admirer, voir aussi ses nombreux occupants que sont les chats qui déambulent ou dorment sur des dalles chaudes au soleil. Visite du Musée des Beaux-Arts. Œuvres des grands noms, des grandes époques et aussi bien sûr des artistes sud-américains. Et si vous voulez prendre un bain de foule et vous laisser tenter par les belles choses offertes dans les boutiques, venez dans la longue rue piétonne La Florida. Vous aurez en prime ici et là des musiciens et des danseurs de tango. L’atmosphère est à la fête. C’est comme ça tous les jours. Buenos Aires c’est le tango!

01 mars

 Vol vers l’extrême sud : Ushuaia, la Terre de feu. Ce nom a été donné par Magellan en raison des feux de braise des campements indigènes qu’il apercevait la nuit sur les côtes. Ushuaia est la ville la plus australe du monde. Sentiment de finitude. Le bout du monde. El fin del mundo. Par un curieux de hasard notre guide s’appelle Delfina. Avec elle nous verrons les tristes vestiges du bagne des années 1900 où les prisonniers travaillaient dans des conditions inhumaines. En revanche, nous verrons des merveilles dans la nature : un parc où abondent une faune inoffensive pour les humains et une flore odorante. L’air y est très pur. Cette région, bien que devenue industrielle, vit surtout de la pêche et du tourisme. Le soir, dégustation d’un crabe royal énorme dont nous gardons souvenir encore. 02 mars

 Excursion en catamaran sur le canal Beagle. De toute cette journée, je retiens le nombre hallucinant d’oiseaux de toutes tailles, souvent groupés en colonie le long du canal. Les plus spectaculaires à cause de leur taille sont les cormorans impériaux. Les énormes lions de mer ne passent pas inaperçus non plus. Langoureusement allongés sur leurs rochers, ils se donnent des airs de stars pour la pose-photo. Un seul regret. Nous n’avons pas vu de colonies de manchots. La Terre de feu a la réputation de produire un excellent agneau. Notre repas du soir en témoigne : cordero à la brasa. Un pur délice!

03 mars 

 Un saut de puce Ushuaia / Calafate. Le nom Cafalate vient du petit fruit du même nom qui pousse uniquement dans cette région aride. On en fait une gelée délicieuse. En contraste avec la verdoyante Terre de Feu, la Patagonie extrême offre un paysage désertique. On se croirait dans un village du Far West. Calafate doit son attrait à la proximité du glacier Perito Moreno sur le lac Argentino. Un des meilleurs repas que nous ayons pris en Argentine fut dans un restaurant de Calafate : « Agneau aux olives noires ». Étonnamment délicieux! 04 mars 

 Le fameux glacier. Nous avons la chance d’aller en bateau le voir de près. Classé avec raison parmi les merveilles du monde, le glacier Perito Moreno a de quoi impressionner : cinq kilomètres de largeur et soixante mètres de hauteur. Cette masse lumineuse aux reflets cristallins bleutés laisse à tout instant tomber dans le lac des parcelles de glace dans un cliquetis sonore, provoquant ainsi des ondes houleuses qui viennent bercer le bateau immobilisé. Silence à bord, nous sommes tout ouïe, tout yeux. 05 et 06 mars Calafate / Buenos Aires / Iguazu 

 Le vol vers Iguazu situé au nord-est nécessite un transit à Buenos Aires. Iguazu (climat tropical, nature généreuse) nous attend avec ses chutes spectaculaires. Classées au patrimoine mondial de l’UNESCO, les chutes d’Iguazu défient toutes comparaisons. Si vous en voulez, les chutes font en largeur quatre fois celles du Niagara et on en compte plus de deux cents. Elles sont une des curiosités naturelles les plus marquantes d’Amérique de Sud. On s’en approche par des sentiers et passerelles de huit kilomètres. Ses cataractes hautes de soixante à soixante-dix mètres nous saisissent d’admiration. Je me souviens de la sensation de vertige ressentie devant celle appelée la gorge du diable qui, dans un bruit d’enfer, plonge dans une cuve profonde d’où émerge un brouillard qui retombe sur nous en gouttelettes. Sur le sentier du retour nous croisons des coatis, animaux de la taille d’un chat, à longue queue rayée et au nez pointu. Facile d’approche ils semblent doués pour amuser les touristes. La journée se termine avec l’apéro sur la véranda de l’hôtel Esturion. Devant nous palmiers, hibiscus et bougainvillées nous font oublier que nous sommes en mars. 07 mars Iguazu /Buenos Aires / Salta 

 Joan, beau jeune homme, nous accueille à l’aéroport : - Comme vous êtes heureux, vous aurez un guide et chauffeur privé parlant français durant deux jours. Joan possède un doctorat en traduction et travaille dans une entreprise internationale. Il a trois enfants et une femme encore aux études. Pour joindre les deux bouts, il travaille les fins de semaines comme guide touristique. C’est notre chance, car Joan est cultivé et aime parler avec abondance de son pays. Installation à l’hôtel Casa real. 08 mars Grand tour dans la province de Jujuy vers Purmamarca dans les basses Andes. Devant nos yeux défilent des montagnes striées de multiples couleurs. Leur formation géologique nous gratifie de ce phénomène. Une de ces collines s’appelle avec justesse la palette du peintre. Au village amérindien de Purmamarca un rassemblement attire notre attention. Des musiciens et des danseuses donnent un spectacle sur la place. Nous admirons la grâce des danseuses, la couleur locale de la musique andine. C’est l’expression de la fierté de ce peuple. Nous réalisons que c’est aujourd’hui le 8 mars, journée internationale de la femme, lorsque la présidente de la fête, vêtue de son costume traditionnel très coloré et de son chapeau melon andin, prend la parole. Notre guide nous traduit ses propos. Elle parle de l’évolution de la femme amérindienne, de son émancipation… Femme, je me sentais solidaire avec elle. Après le spectacle, Joan nous amène dîner dans un restaurant qui ressemble à ce qu’on appelle la maison longue chez nos amérindiens du nord. Mets savoureux faits de produits locaux. Des musiciens de formation classique jouent sur des instruments d’origine andine, incluant le plus connu, la flûte des Andes. Suit la visite des ruines de la ville fortifiée de Pucara de Tilcara, érigée à l’époque pré-colombienne par les Omaguacas (descendants des Incas). Puis un arrêt au monolithe marquant le Tropique du Capricorne où le 21 juin à midi le soleil projette l’ombre de façon perpendiculaire. Au retour nous passons par Humahuaca fondée par les espagnols au seizième siècle. Longue et belle journée. 09 mars 

Encore une captivante journée de douze heures. Excursion à travers la vallée Lerma. Traversons plusieurs villages avant d’arriver dans la Quebrada de las Conchas où les montagnes aux sommets sculptées par le vent et l’érosion nous offrent des merveilles. Suivent Cafayate et ses vignobles où nous recevons un cours 101 sur la fabrication du vin. Bons élèves dans les deux bodegas visitées nous sommes récompensés par de généreuses dégustations. Retour à Salta pour terminer agréablement notre court périple dans la région nord ouest au restaurant el Solar del convento en compagnie de deux charmantes québécoises rencontrées dans la journée. 10 et 11 mars Salta / Buenos Aires / Mendoza 

 Notre nouvelle guide Viviana nous propose (toujours en français) un tour de ville de Mendoza. Bâtie en plein désert, cette ville luxuriante doit la verdure de ses nombreux parcs à un système d’irrigation très scientifique. Détruite par un tremblement de terre en 1861, Mendoza renaît selon des plans d’urbanisme qui en feront la ville la plus belle d’Argentine, dit-on. Ses larges rues et trottoirs, ses nombreux parcs, ses spectaculaires fontaines et monuments justifient cette réputation. Nous terminons la journée en visitant deux bodegas différentes : une artisanale et l’autre de très haute technologie. Nous sommes dans la région des vins parmi les meilleurs au monde. Tests à l’appui… J’en témoigne! 12 mars 

 Grande tournée jusqu’au sommet des Andes. La route suit la rivière Mendoza dans une succession de paysages spectaculaires. Passons par le barrage Potrerillo, la montagne Penitentes et son centre de ski. Faisons une longue pause au Pont des Incas, pont légendaire de formation géologique naturelle. L’oxydation de sa pierre lui a donné au fil des siècles une coloration jaune souffre. Ce fut au début du siècle une station thermale réputée dont les bâtiments abandonnés subsistent encore. L’autocar emprunte la montée en lacet vers le plus haut sommet des Amériques à Las Cuevas où un monument au Christ Rédempteur fut érigé en reconnaissance de la paix signée entre le Chili et l’Argentine. Nous sentons l’air raréfiée de l’altitude. J’ai hâte de redescendre dans la plaine. 13 mars Mendoza / Buenos Aires. 

 Impression de rentrer chez nous. Retrouvons le même personnel, la même suite, au même hôtel Forcadell. Allons au Café Ideal qu’on doit voir à cause de son style baroque. C’est l’heure de l’apéro. Un vieux musicien joue un tango sans trop y croire. Plus tard les danseurs arriveront, nous dit le garçon. Souper au Café Tortoni, le café mythique de Buenos Aires qui, depuis cent ans cette année, a vu défiler dans ses murs de nombreuses personnalités (outre Claude et moi). Ses murs sont couverts de photos: écrivains, poètes, peintres, musiciens, cinéastes, acteurs et actrices, politiciens, princes et princesses, etc. Atmosphère début vingtième siècle fort agréable. Un jeune homme nous offre des billets pour un spectacle de tango présenté dans une salle attenante en fin de soirée. Pourquoi pas? Ne sommes-nous pas ici pour le tango? Ce fut magnifique. 

14 mars 

Revoir plus à fond certains coins entrevus au début. Retour sur la rue Florida pour compléter nos achats de souvenirs pour nos enfants et petits-enfants. Dîner au café Richmond. Retour à l’hôtel pour un petit repos, car le soir est prometteur. En effet, ce soir dîner-spectacle au théâtre Piazzola. Ce théâtre à l’italienne est splendide. Baroque avec ses dorures, ses loges tout en courbes, ses tentures rouges, il dégage une atmosphère feutrée et chaleureuse. Les gens y viennent habillés. Aux tables, c’est le grand service. L’orchestre nous ravit avec la musique de Piazzola. Les danseurs s’en inspirent dans des chorégraphies hors du commun. Un enchantement.

15 mars 

Dernière journée à Buenos Aires. Il ne faut pas oublier un souvenir pour Suzie. Pourquoi ne pas aller dans Palermo, le quartier des ambassades? Nous y trouverons sûrement ce qu’il convient pour notre amie consul honoraire du Mali. Nous découvrons le chic centre commercial Bullrich aux boutiques des grands couturiers européens. Nous observons les gens richement vêtus qui y circulent. Cela vaut un spectacle. La journée s’achève à flâner tout doucement dans notre quartier. Il est bon d’admirer par beau temps le célèbre théâtre Colon où notre ténor Raoul Jobin y a chanté l’opéra durant trois ans. Dernière soirée. Dernier dîner-spectacle de tango au Gala. De tous les spectacles que nous avons vus, je crois que ce fut le meilleur. Probablement dû au fait que nous étions placés près de la scène et que nous pouvions bien voir les subtilités des danseurs. Intimité aussi avec les musiciens tout de blanc vêtus. (Même le piano était blanc.) Découverte du charango, un instrument à douze cordes originaire du Pérou, joué par un virtuose. 16 mars 

 Aujourd’hui s’achève notre fabuleux voyage en Argentine. Nous allions connaître le pays du tango, nous avons découvert un pays de démesure où les beautés naturelles sont souvent extrêmes et où la culture trouve sa richesse dans sa diversité. Que dire des argentins eux-mêmes? Ils sont beaux, accueillants et très sympathiques. Nous espérons y retourner. 

 

Yvonne
Québec, 12 mai 2008

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